dimanche 15 mai 2011

Ck (2) Hors série - Jude Bisumbu Kuboko, un autre hommage rendu à... Deju (la moqueuse et la provocatrice), vous connaissiez cette femme-là aussi ?

Didier de Lannoy
Cookies !
Série 2
2011


Autres fronts :

L
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Jude Bisumbu Kuboko

est décédée à Bruxelles, le jeudi 14 juillet 2011.

L'incinération a eu lieu le mercredi 20 juillet, au crématorium de Bruxelles, Avenue du Silence, 61 à 1180 Uccle.

Après la cérémonie, la famille et les proches ont reçu les amis de Jude à l'Espace 1180, 14, rue Robert Scott (Globe)à 1180 Uccle où de nombreux hommages lui ont été rendus, oralement et par écrit.

Un blog a été ouvert où tout le monde peut rendre hommage à Jude:

http://hommageajude.blogspot.com/




*
**

Jude !
Vié ba Diamba, ton "amant du jeudi"
a promis à Tchen, ta fille
de t'écrire ailleurs, plus tard, autrement...


Voici venus
- Avec l'accord (actuel et tacite) de Tchen et ta complicité (rieuse et séculaire) ! Tu aurais voulu que ton matanga soit (aussi) subversif et déjanté, non ?
le lieu, le jour et la manière...


*
**



Hommage à Deju !
(21 juillet 2011)

Jude a souvent invité Vié ba Diamba à rédiger des textes "sur le sida"... mais, précisait-elle, pas n'importe quels textes : des textes "résolument provocateurs", des textes écrits "à notre façon"
- Na ndenge na biso !
des textes, exigeait-elle, "qui fasse valoir notre manière de voir les choses et de les raconter", des textes qui aillent "au-delà de qu'il est convenu de dire", qui battent en brèche les idées "toutes faites" (sinistres et misérabilistes) sur le sida et ses malades ... qui contrarient les mandements et les préceptes "bien reçus " à l'église, au ministère et à l'hôpital...

Et cette "façon " c'était quoi ?

Vous la découvrirez en lisant une petite sélection de textes (3 seulement) reproduits ci-après (dépêches AnaCo ou Cookies, parus le plus souvent dans El Batia Moûrt Sou - Le Bateau ivre- , "journal jovial, crédule, saugrenu mais outrecuidant") et nés d'une « rencontre d'idées » entre Jude et Vié ba Diamba.

Ces textes ont, à l'époque, été dédicacés « pour Deju » (de façon, notamment, à ne pas irriter des bailleurs de fonds pusillanimes ou trop conventionnels)




Le bonheur
Et le sida, si c’était ça ?


pour Deju*

Le bonheur à quoi ça sert, à qui ça sert et comment savoir qu'on l'a ?
La pluie, le vent, le feu, la coke, le crack et le bonheur envahissent, déferlent, dévastent, ravagent, submergent, saccagent et détruisent tout sur leur passage...
Et comment s’en saisir, du bonheur ? Comment l’appréhender, l'arraisonner, l’apprivoiser, lui faire rendre gorge ? Le crocheter avec une pince à épiler comme on arrache un morpion ? L’accrocher avec une pince à spaghettis comme on s’empare d'un scorpion ?
Et peut-on contracter le bonheur, tout simplement, en tenant par la main, en prenant dans les bras, en touchant la poitrine et les fesses, en embrassant sur le sexe une personne infectée ?

* - Pourquoi elle ?
- Quelqu’un d’autre ?



Masturbons-nous !

Après do ré mi fa sol la si da

qui avait fait fureur en son temps, j'envoie ceci à Deju... (elle m'avait demandé de lui écrire quelque chose sur le sida)... un aphorisme qui prête
- Meuuuuuuuuuuunon, qui donne à rêver !

à confusion, non ?

Ce n'est pas en se masturbant qu'on attrape le sida...

Mais
- Pour cause de non-conformité avec la "ligne éditoriale" de la revue, telle qu'imposée par les généreux bailleurs de fonds ?
très rapidement, Deju me fait savoir que ça
- Pourquoi donc ? On ne peut plus monter à cru, certes, certes, certes... Mais pourquoi ne pourrait-on pas se branler dans les confessionnaux, les guérites de parking, les toilettes publiques, les cellules d'isolement, les caissons de bronzage et les cabines d'essayage... sans mettre de gants, sans porter de masque, en oubliant* d'enfiler une capote ?
ne pourra jamais passer, oh !


* Aucune préservatif ne protège du paludisme ? Ce n'était pas assez rentable d'un inventer un ?




Il n’y a pas que le sida dans la vie


Pour (et avec la complicité de) Deju
(et le concours d' "Eros" Nzau Seke et de "Tchim" Tabaro)

C’est la reprise !

Une jeune fille

- Elle était impertinente ! Elle nous manquait de respect ! Elle soulevait sa jupe et nous montrait son cul !
est abattue par la police d’une balle dans la tête, à l’entrée de son immeuble, sous les yeux de ses parents. Deux voitures piégées, garées dans le parking d’une usine, explosent à la sortie des travailleurs… et, lorsque les policiers et les ambulanciers débarquent sur les lieux, une troisième bombe éclate. Poursuivi par les flicards ou les crocodiles-contrôleurs d’une société de transport en commun, un jeune homme
- C’était un vendredi soir, il partait rejoindre ses copains au centre-ville !
s’électrocute dans un tunnel du métro, entre deux stations. Se déplaçant dans une charrette tirée par des chiens, un ange gardien est écrasé par une gargouille. Un autre, poussé dans le vide par une main invisible, n’arrive pas à déployer ses grandes ailes et s’aplatit sur le trottoir.

C’est la reprise !
On aurait même découvert le cadavre d’une parturiente

- Son proche ne savait pas comment se débarrasser du corps !
cousu dans un hamac, tendu entre deux arbres, dans le verger d’un presbytère.
C’est la reprise et la sortie de crise ! Les morts, à présent, font la file. Les services funéraires ne savent plus où donner de la tête.
Un autobus-corbillard low-cost, transportant une cinquantaine de cas sociaux empaquetés dans des cercueils en carton, percute la berme centrale de l’autoroute et perd une partie de sa cargaison.
Les morts ayant échappé à l’accident sont priés d’attendre à domicile

- On donne des conseils aux familles éprouvées sur les moyens de lutter contre les odeurs de cadavre !
qu’une place se libère.

C’est la reprise et déjà l’abondance. Ça meurt dans tous les sens, pour toutes les causes et pour tous les motifs.
C’est qu’il n’y a pas que le sida dans la vie. Les autres façons de mourir ou de survivre à peine sont peut-être moins en vogue mais elles ne sont pas à négliger : la main de Dieu (les tremblements de terre et les glissements de terrain, les éruptions volcaniques et les vagues de chaleur ou de froid, les ouragans et les inondations), les maladies passées de mode et qu’on ne fête pas chaque année… mais qui sont toujours en vente libre dans « le reste du monde » (le paludisme, la rougeole, la variole, la fièvre typhoïde, le choléra, le tétanos, la dengue hémorragique, la tuberculose, la trypanosomiase, la drépanocytose, la poliomyélite, la méningite ou

- De quoi meurt-on le mieux ? Dans quelles provinces de quels continents meurt-on plus jeune, plus vite, plus sûrement, de façon plus radicale qu’ailleurs ?
la lèpre, le béribéri, le kwashiorkor ou le virus d'Ebola), les brigandages et les errements de l’économie de marché (les guerres, le terrorisme, les voitures incendiées et les pneus brûlés, les répressions, les tortures et les internements, les catastrophes ferroviaires et minières, les désastres écologiques, les krachs financiers, les dégraissages de personnel et les politiques d'ajustement structurel, le chômage, l’expulsion, l'exclusion, l’exil, la panade)…

Ceux qui résistent

- Refus de souffler dans le ballon, refus de décliner son identité, refus de donner ses empreintes digitales ou son ADN, refus d’enlever son chapeau ou de saluer un drapeau, refus de porter les armes, refus de se lever devant un juge, un militaire, un prêtre, un ministre ou un banquier ! Refus d’être commandé, manœuvré, maltraité, exploité, abusé ! Refus d'être saqué, niqué, zappé ! Refus* d'arrêter de boire et de fumer ! Refus d'être désactivé, stérilisé et placé en cellule d'isolement ! Refus d’être étiqueté, encarté, code-barré ! Refus d'être scanné ! Refus d'avaler sa salive, de poser sa chique, de fermer son claque-merde et de s'écraser !
meurent et les survivants sont ceux qui se résignent, c’est bien ça ?

Okozela trop !**


* Refus de mettre la capote ?
** Tu peux toujours courir ! (en lingala)

*
**

On peut prévoir (ou espérer) que certaines personnes, à la lecture de ces textes, s'énervent ?
Qu'il leur soit répondu: "Le pet traverse la culotte, il ne la troue pas"...