samedi 15 mai 2010

ck 26 - Un baraki interrogé par les soudards de l'identité nationale

Didier de Lannoy
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Un baraki interrogé par les soudards de l'identité nationale
(101108)


Un baraki, un homme libre, est interpellé grossièrement par les soudards de l’identité nationale
- Vous faites quoi ? Vous êtes qui ? Vous venez d’où ? Passeport de mutation ? Carnet de circulation ? Retourne-toi…
- On se tutoie ?
- Enlève tes lunettes de soleil que je voie ta sale gueule ! Et mets les mains derrière le dos !

alors qu’il se dressait sur la plante des pieds, au bord de la grand-route, et tendait les mains par-dessus une haie de clôture pour

- A la campagne, il n’y a pas de biens sans maître, on ne t’a jamais dit ça ?
cueillir quelques pommes et grappiller une poignée de cerises dans le verger d’un patriote ou d’un cul béni…

Les reîtres l’embarquent et

- Sais-tu imiter le cri de la chouette en pleine nuit ? As-tu…
- On est convenu de se tutoyer, c’est bien ça ?
le soumettent à un interrogatoire serré…
- Tais-toi et réponds aux questions qu’on te pose ! As-tu certainement oublié de rendre une pelle ou un sécateur à un fermier qui te l’avait si obligeamment prêté ? Manges-tu toujours, avec délectation, pour narguer les chrétiens, des perdrix et des poussins grillés tous les vendredis, jours du poisson ? Chez qui te fournis-tu ? C’est bien toi qui as lancé des pierres et balancé un seau de pisse et de merde sur un corbillard transportant la dépouille mortelle d’un honorable ou d’un révérend ? N’est-ce pas toi aussi l’auteur d’une fausse alerte à la bombe dans l'église (pendant la grand-messe du dimanche, au moment de la consécration, le tabernacle qui explose, bouuuuuuum !) ou à la maison communale ? Dors-tu toujours sur un lit de broussailles et de feuilles mortes ? Avec quoi fourres-tu ta paillasse pleine de punaises ? Avec des fougères ou des orties ? Ou avec du foin ou des copeaux de bois ramassés dans quelle ferme ? Tes parents t’ont-ils coupé les ongles avant l’âge d’un an pour que tu deviennes un grand voleur ? N’es-tu pas déjà tombé d’un échafaudage alors que tu travaillais au noir ? Ne sais-tu pas qu’on ne peut même pas chuter dans un escalier quand on n’a pas ses papiers en règle ? As-tu, avec tes frères, monté un petit commerce, très profitable, de pièces de rechange et de matériaux de construction de seconde main ? N’est-ce pas toi qui as engrossé la petite sœur du gérant de la supérette du village (lui as-tu fabriqué de beaux jumeaux, un garçon et une fille, as-tu noyé le garçon dans une bassine d’eau de lessive et gardé la fille pour en faire une mendiante ou une prostituée) ? Te mets-tu toujours du jaune d’œuf et de l’huile d’olive dans les cheveux pour les rendre si gras et si brillants ? D’où viennent ces œufs ? Quelle poule les a pondus ?


Tandis que les petits du campement, ayant assisté de loin à l’interpellation de leur grand frère se mettent en sécurité dans les arbres et hissent un cerf-volant pour prévenir les parents de l’arrivée prochaine des flicards.