samedi 15 mai 2010

ck 27 - L'affaire Bitchou

Didier de Lannoy
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La disparition de Bitchou suivie de la mort d'Antoine...
Une seule et même affaire ?

(101108)

à Arantxa et Bernardo
et que Bitxo me pardonne !

1

Quelques mois auparavant...

La chaumière de Malvoisin, une demeure à colombage et toit de chaume, très belle mais à l’abandon, était, depuis la fin de l'année précédente, squattée par
- Des barakis ![1]

un couple de « gens venus d’ailleurs » qui avaient un chien nommé Bitchou.

Un jour, comme il en avait quelquefois l’habitude, et pour faire une bonne surprise à ses maîtres, Bitchou... rarement attaché ou ayant réussi à se libérer de sa laisse et à ouvrir la porte d'entrée
, jamais fermée à clef, en pesant de tout son poids sur la clenche...s’en est allé dans la forêt... à l’aube, tout seul, en cachette... tendre des pièges et
- Et ramasser des mûres et déterrer des pommes de terre dans un champ, sur le chemin du retour !
poser des collets, attraper des oiseaux, des lapins et des écureuils… et vider et renverser les écuelles de tous les chats du voisinage… et ramasser du petit bois pour allumer le feu et préparer le petit-déjeuner de ses parents…

Il n’en est jamais revenu. L’homme et la femme, désespérés, ont frappé à toutes les portes, jusqu’à la nuit tombée. Personne dans le village n’a voulu les aider et
- Les gens disaient qu’il était dangereux de circuler dans la forêt... surtout après une certaine heure ! Il s’y passait, disaient-ils, tellement de choses étranges… Et des personnages inquiétants s’y donnaient rendez-vous… Et même des sorcières s’y étaient installées… Les gens disaient aussi qu’on ne doit pas laisser son chien traîner dehors, en liberté ! Et qu’un chien, ça s’attache ! Et qu'une porte, ça se verrouille ! Et qu’on ne devait pas non plus laisser un animal sans religion entrer dans une maison de chrétiens comme il l’entendait et en sortir à sa guise… et préparer le petit-déjeuner de ses maîtres et se mêler de leur conversation ! C’est quoi ça ? Où a-t-on vu ça ? C’est quelle sorcellerie ? Un chien, disaient-ils, ça se met à la chaîne, à l’extérieur ! Et ça ne parle pas aux hommes ! A moins que ses maîtres n’aient eu commerce avec le diable ! D’ailleurs ce nom-là... Bitchou, Bichon, Bout'chou, Pitchou, P'tit chou, Bitxo... ce n’était vraiment pas un nom de chien de chrétien, ça ! disaient-ils encore…
participer aux recherches…

Ainsi donc, le village paisible de Malvoisin[2]
serait-il, comme son nom l’indique, un village inhospitalier… peuplé d’êtres malodorants, grossiers, avares, sournois et pervers, médisants et malfaisants, jaloux et rancuniers, sectaires et intolérants, arriérés, renfermés, chafouins et grimaciers, hostiles aux « étrangers » et se méfiant des djeuns, des différences et de toutes les nouvelletés, ne prenant jamais personne en pitié, au cœur sec, peu aidants ? Un village de cul-terreux repliés sur eux-mêmes… sans épicerie, sans boulangerie, sans boucherie, sans même
- Il y en avait sans doute avant… mais leurs exploitants ont préféré déguerpir ! Ils ont mis la clef sous le paillasson et se sont installés à Gedinne, à Vencimont, à Wellin, à Beauraing… ou même un peu plus loin, à Nassogne !
une forge, un café, un bureau de poste et un moulin… un village de vieux, sans enfants… un village sans maison communale mais avec une chapelle Saint-Hilaire... et une ancienne école transformée en salle des fêtes ? Un village dans lequel il ne se passerait jamais rien et où jamais personne
- Pas même un auto-stoppeur ?
- Il viendrait d’où, il irait où ? On lui jetterait des pierres…
- Un voyageur de commerce, un automobiliste en panne d’essence, un huissier ?
- On leur tirerait dessus, à la carabine, depuis la fenêtre de la cuisine…
n’arriverait par hasard et dont jamais personne ne pourrait se retirer indemne… sans y laisser ses biens et toutes ses illusions ?

On n’a pas retrouvé le corps du chien. Des sangliers ont dû, probablement, s’en disputer les restes.
Après ce drame atroce, les maîtres du chien ont fui le village et sont repartis sur les routes, à la recherche d’une terre plus hospitalière...

Et la chaumière isolée de Malvoisin, désertée par ses derniers habitants, a, du jour au lendemain, été éradiquée du paysage namurois...
A-t-elle été rasée par les services techniques de la région wallonne, emportée par une violente tempête, incendiée par un autochtone "identitaire" ?
A-t-elle quitté son village d'origine et s'est-elle installée ailleurs, dans la province rivale du Luxembourg... au Fourneau Saint-Michel, sur la route de Saint-Hubert, dans la commune de Nassogne ?

2


Quelques mois plus tard...

A Bruxelles, une brave dame a été retrouvée
- Etranglée par une corde en cuir ? Etouffée à l’aide d’un coussin ? A-t-on relevé sur son visage des traces de coups (ou l'empreinte d'une main) suspecte(s) ? Ses mains tremblaient-elles sans cesse ? Ses gestes étaient-ils devenus rigides et incontrôlables ? Eprouvait-elle des difficultés à se brosser les dents et à porter une tasse de café au lait (ou un verre de thé au miel et au citron) à ses lèvres ? Souffrait-elle de la maladie d’Aloïs Alzheimer ou de celle de James Parkinson ?
- Son époux n’en pouvait plus ? Il voulait simplement lui tordre un peu le bras pour lui faire lâcher le tisonnier chauffé à blanc dont elle le menaçait en titubant et en vociférant ? Il l’a tuée mais il ne voulait pas lui faire trop de mal ? C’était de la légitime défense ?
morte sur son lit… tandis que son mari, un vieux monsieur apparemment inoffensif, recherché activement par la police, a finalement été repéré, quelques heures plus tard, à l’entrée d’un cimetière
- Celui de Jette ? Ce cimetière-là qui serait devenu un paradis fiscal pour vieux retraités[3]
? Celui-là même où le couple, sage et prévoyant, s’était fait bâtir un caveau funéraire très élégant ?
déambulant sur le trottoir, traînant derrière lui une laisse de chien, hagard, ébahi, absent, tirant la langue de travers, échevelé, l'air stupide et désemparé, frappé d'amnésie après avoir été victime d'un AVC...

On ne s'explique pas la mort de la brave dame...

Et on ne s'explique pas non plus la mort d'Antoine, le chien
- Ils y tenaient beaucoup, à leur Antoine (c'est ainsi qu'ils l'avaient baptisé... le curé de la paroisse leur avait dit que Saint Antoine était aussi le patron de paysans et le protecteur des animaux...et que pour un chien "trouvé" on ne pouvait pas imaginer de plus beau prénom) ! Ce chien était comme leur enfant !
de ce couple de bons chrétiens, également découvert, étendu sans vie, sur la couche conjugale, à côté du corps de sa maîtresse… On pense
- On n’étrangle pas les chiens avec leur laisse, quand même ! On ne les étouffe pas non plus sous un oreiller de plumes ! Une autopsie est-elle envisagée ? Saura-t-on jamais si Antoine a avalé goulument de la mort-aux-rats cachée dans une boulette de viande hachée ?
- Qui sont les coupables alors ?
- De bien mauvaises gens... des gens venus d'ailleurs sans doute !
à une maladie du foie, une intoxication alimentaire, une diablerie ou un sortilège…

3


La disparition de Bitchou suivie de la mort d'Antoine...

Les deux histoires sont-elles étroitement liées ? S'ajustent-elles, s'emboitent-elles, se complètent-elles ? S'agit-il de deux évènements imbriqués l'un dans l'autre ?
S'agit-il d'épisodes d'une
seule et même
affaire?

On dit qu'Antoine serait un chien adoptif...
On dit qu
il se serait, quelques mois plus tôt, perdu dans la forêt, aux environs de Malvoisin et quil aurait été recueilli par un couple de promeneurs bruxellois...
On dit que des malédictions auraient été prononcées...



[1] En ce temps-là, dans la Namurois profond, des loups anémiques (venus du Sin-kiang, de la plaine des Danakils ou de Transylvanie) et des ours fatigués (ayant fui la Tchétchénie, les montagnes d’Afghanistan ou les Balkans en guerre) étaient parfois surpris, au lever du jour et à la nuit tombée, à rôder
- Ils humaient, sur la route principale, l’odeur des bouses de vache et le crottin de chevaux de trait, pissaient sur les racines des hêtres et les troncs des grands chênes, broutaient les capucines, déterraient et croquaient les racines de pissenlits, reniflaient les plants de tabac, flairaient le petit linge mis à sécher dans l’herbe ou sur les haies !

autour des maisons isolées du village de Malvoisin, près de Gedinne. Personne ne savait d’où ils venaient, ni
- Sont-ils en quête de nourriture ? Cherchent-ils une compagnie ?

quelles étaient leurs véritables intentions.

[2] Il y a encore mieux, dans l’Europe communautaire : le village frison de Minnertsga , aux Pays-Bas !
Chacun s’y occupe de ses affaires et on fout la paix aux morts. Découvert dans son lit, en 2010, un mort
- Depuis quand ? Personne ne sait vraiment !

avait, en 2006, il y a quatre ans ! demandé
- A ses deux frères (61 et 67 ans) et à ses deux sœurs (44 et 71 ans)… avec lesquels il vivait sous le même toit depuis toujours !
qu’on le laisse tranquille dans sa chambre…

Quelqu’un (une fouine, un bedeau, un gendarme retraité… un facteur, un agent du recensement ou des contributions, un huissier, un avocat spécialisé dans le recouvrement des dettes liées à la santé…) avait sans doute fini
- Son nom n’est plus inscrit nulle part ! Ni sur un bouton de sonnette, ni sur une pierre tombale !
par se poser des questions…

[3] On dit que le cimetière de Jette serait devenu
- On n’y paie pas de précompte immobilier annuel ? Ni la taxe régionale à charge des chefs de famille ?
un paradis fiscal dans lequel tous les couples de retraités désargentés (ceux qui n’ont pas mis beaucoup de pognon de côté mais qui ont réussi à vieillir et à mourir ensemble sans trop s’entretuer) chercheraient à s’installer…